Tomber peut faire mal. Tomber en glissant sur une flaque peut faire un bleu. Tomber par dessus un toit après avoir dérapé sur de l'eau et s'écraser sur une terrasse trois mètres soixante-quinze centimètres plus bas peut tuer. Mais Maximilian Leevanston était seulement inconscient, les yeux grands ouverts sur la pluie qui n'avait pas cessé de tomber après sa chute et sur le visage douloureux d'Aylin Stevens qu'il ne voyait pourtant pas. Il était de l'autre côté de la réalité, dans le dangereux et trompeur terrier du lapin blanc.


Il est allongé sur de l'eau. Dans une piscine. Il le sait sans avoir besoin de le vérifier. Le soleil caresse sa peau nue sans la brûler. Un caleçon de bain est son seul vêtement. Il en est satisfait. C'est plus adapté à l'environnement dans lequel il se trouve. Ses paupières deviennent brusquement lourdes alors il les ferme. Il se sent bien. Le vent est inexistant, comme les bruits perturbateurs qu'il pourrait pourtant y avoir normalement dans une piscine mais il n'entend que ses propres battements de coeur et ça l'apaise. Il adore ça, à vrai dire. Il est seul avec lui-même. Il se sent pur. Une vague odeur de sang flotte dans l'air mais il l'ignore sans mal. Offert à son regard de nouveau ouvert, le ciel est aussi bleu que les yeux d'Aylin Stevens alors Maximilian Leevanston ne se lasse pas de le contempler d'un air niais, jusqu'à ce que des vagues ne le dérangent dans sa contemplation et ne le fasse abandonner sa position couchée pour lui permettre de comprendre ce qu'il se passe. Désormais, il est aux aguets. L'agréable plénitude qu'il ressentait un instant encore auparavant a disparu. Le ciel s'obscurcit au-dessus de lui et le tonnerre gronde. Le jeune homme croit entendre la voix inquiète d'Aylin Stevens derrière son vacarme mais son attention est vite happée par l'arrivée d'une jeune femme qu'il ne connait que trop pour son propre bien alors il oublie son impression. Elle était vague de toute façon, sûrement une simple hallucination. Enveloppée dans toute sa noire splendeur, Norah Jones pénètre de son pas royal dans l'eau, son regard dur ne le quittant pas tandis qu'elle progresse implacablement vers lui. Ses longs cheveux sombres trempent à moitié dans l'eau chlorée mais elle ne semble pas s'en soucier car, avec la même agilité que si elle se trouvait sur la terre ferme, elle se jette sur lui férocement et entreprend de le couler avec toute la force insoupçonnée que son corps recèle. De son mieux, le jeune homme se saisit d'elle, la repousse et l'expulse au loin dans l'eau mais cela ne semble pas avoir de réel impact sur sa détermination parce que, imperturbablement, elle revient, son horripilant sourire assuré fermement accroché à ses lèvres pendant que Maximilian se demande combien de temps encore leur petit jeu va durer. Après tout, il a entraînement à vingt-sept heures et le coach n'aime pas qu'il soit en retard. Il dit que, lorsqu'il est en retard, le soleil tombe de haut et les corbeaux font glisser la pluie alors le Vagabond continue inlassablement de lutter contre Norah, ses doigts glissant désespérément sur la peau trempée de la jeune femme et l'air lui manquant parfois lorsqu'elle lui écrase furieusement la tête sous l'eau. Comme elle le fait, présentement. Sans comprendre comment, il réussit une fois encore à l'éloigner et avant qu'elle ne se rapproche comme il sait qu'elle va le faire, il lui hurle trois mots à la figure en lui envoyant une imposante gerbe d'eau :

- Laisse-moi partir.

Néanmoins, à peine la phrase a-t-elle eu le temps de sortir de sa bouche que le jeune homme sait qu'elle a été inutile. L'envie de noyade de Norah semble être plus fort que tout. Alors, Maximilian regrette de ne pas avoir pris son jeu de cartes doré parce que s'il l'avait, il pourrait respirer sur l'eau. Comme un poisson. Mais en plus beau, quand même.

Norah tombe au sol, on vient de l’assommer. À son réveil, elle aura tout oublié, et, elle sera devenue quelqu’un d’autre. Quelques heures plus tard, la belle sort de son sommeil, elle ouvre les yeux instantanément avant de se lever avec agilité. Il n’y a aucune expression dans ses yeux, elle est vide. C’est alors qu’elle décide de s’en aller, comme ça, et avance vers la piscine publique, se persuadant qu’elle devait y faire quelque chose. Elle pénétra dans le lieu et entendit des clapotis de vagues dans les bassins. Elle s’approcha pour y découvrir qu’un homme était au milieu de la piscine, ne bougeant pas. Norah sourit, mais ce n’est pas sincère. Elle décida de pénétrer dans l’eau à son tour, et petit à petit avance. C’est étrange, mais elle ne sent pas le froid de l’eau. L’homme se retourne, et elle reconnaît Maximilian Leevanston, un homme qu’elle aimait défier. Après quelques secondes, elle se jeta avec habilité sur son adversaire et le noya, lui poussant la tête sous l’eau. Surpris, le jeune homme ne se défendit pas et coula. Mais très vite il reprit ses esprits et poussa Norah aussi loin que possible. La brune, telle une machine, revint attaquer. Et encore une fois, Maximilian l’éjecta. Mais, elle recommençait et elle le referait autant de fois que possible avant son but: La mort. Alors, Leevanston, exténué lui cria:

- Laisse-moi partir.

Norah ne s’arrêta pas. Elle continua de le regarder comme une proie, comme une victime. Et avant qu’il anticipe son geste, elle sauta sur son dos et de toutes ses forces, le coula. Ce ne fut pas sans mal, le vagabond avait plus de force qu’elle, mais il lui manquait la grâce, que Norah avait. Elle réussit enfin à le faire passer sous l’eau, mais il l’avait emmené avec lui. Si bien qu’ils se vouèrent à un combat acharné dans les profondeurs. Norah n’avait pas l’intention de lâcher prise, et elle se rendit compte qu’elle n’avait pas besoin de remonter à la surface pour reprendre de l’air, celui-ci venait tout seul dans son organisme. Elle s’acharna alors sur son ennemi, le foudroyant de coup, afin qu’il s’évanouisse, et qu’il meurt. C’est alors qu’il attrapa ses poignets avec force, et la jeune femme n’eut d’autres choix que d’utiliser ses pieds, mais il les immobilisa aussi. Avec rage, l’humaine poussa un cri de colère. Maximilian posa alors quelque chose sur ses lèvres pour qu’elle cesse de crier, et lorsqu’elle les rouvrit, elle vit qu’il l’embrassait. Surprise, Norah se laissa faire, ne comprenant pas quel était le but de ce geste, comment fallait-il faire... Mais, elle reprit très vite ses esprits, et avec haine, elle donna un coup de tête au brun. Choqué il remonta à la surface et s’éloigna de quelques mètres. Norah le suivit, et alors qu’elle essorait sa longue chevelure, elle vit une expression effrayée et profondément perdue sur le visage du vagabond. Elle éclata de rire avant de lui lancer sans aucun gêne:


-Bienvenue en Enfer, Leevanston !

Et, le petit jeu repris. Elle se jeta avec agilité sur son adversaire, appuya de toutes ses forces sur sa tête, pour le couler, pour l’envoyer dans les profondeurs, pour le tuer. Parce que Norah aimait la Mort, parce qu’elle était la Mort.v