Etre à deux doigts de ne jamais se réveiller devait avoir porté chance à Maximilian parce qu’Aylin ne tarda pas à croiser son regard, ses lèvres lui offrant un sourire instinctif qui lui réchauffa le cœur.

- La mort doit être une bien douce amante... ,dit-elle sans le quitter des yeux, mais effectivement, j'aimerais autant que vous ne retourniez pas dans ses bras de si tôt.

Il eut envie de sourire mais en fut empêché par l’avancée de la jeune femme. Leurs visages étaient désormais à une distance incroyablement troublante l’un de l’autre et il ne savait pas s’il devait en profiter. L’envie de le faire le tenaillait, surtout qu’il savait qu’il ne serait pas rejeté, mais l’impression que ce n’était pas le moment était plus forte. Comme pour le conforter dans sa pensée, la brune continua sa phrase :

- Parce que, si jamais il vous prenait l'idée de le refaire, je vous arracherai à elle pour mieux vous y renvoyer.

La surprise envahit Maximilian tandis qu’explicite et implicite se complétaient dans son esprit. Ce devait être flagrant parce qu’Aylin se mit à rire, de ce rire si charmant auquel nul être vivant ne pouvait assurément résister. Un petit peu sonné par cet enchaînement, le jeune homme s’aperçut qu’il n’était pas encore vraiment remis de sa chute et eut envie de s’allonger, sa belle brune contre lui. Malheureusement, ce projet ne paraissait pas être celui d’Aylin parce qu’elle l’abandonna sans brusquerie pour détendre ses muscles avec une grâce qu’il se plut à contempler. Ses étirements achevés, elle se refocalisa sur lui et paraissait sur le point d’ajouter quelque chose quand une musique retentit. Son portable sonnait.

Frustré par cette interruption et intrigué de la réaction d’Aylin, qui avait l’air contrariée, Maximilian l’observa chercher son bien et accueillit avec résignation les quelques mots d’excuse qu’elle lui adressa avant d’aller répondre.

- Peu importe les raisons qui te poussent à m'appeler à une heure aussi tardive, elles devront attendre Duncan.

Maximilian se releva, sourcils froncés, prêt à réagir si jamais Aylin avait besoin de lui. Il se demandait qui était ce Duncan et ce qui conduisait Aylin à lui réponse aussi sèchement ; bien qu’il se trouvât plus que satisfait de cela.

-Même lieu, même heure, la semaine prochaine. Et adresse-toi à Mathias, étant donné qu'il est toujours sur place, il sera bien plus utile que moi.

L’esprit en ébullition pour essayer de comprendre ce qui se passait entre la brune et son interlocuteur, le Vagabond se sentit venir des élans chevaleresques. Tel le preux idiot d’autrefois, un autrefois d’ailleurs pas si lointain de son époque de naissance, il se sentait prêt à affronter un affreux dragon pour sauver sa belle princesse. Un battement lancinant apparut soudain derrière son œil gauche et il appuya dessus avant de baisser la main au moment où Aylin raccrochait.

- Je suis désolée, lui dit-elle en levant les yeux au ciel. Certaines personnes souffrent apparemment d'un certain manque de savoir vivre pour appeler à une heure pareille...

Elle paraissait aussi assurée que d’accoutumée et cela rassura Maximilian. Ce Duncan devait juste être l’un des nombreux collaborateurs avec laquelle la jeune femme travaillait et jouait. Rien à signaler. Rien, hormis, peut-être, le regard attentif qu’elle faisait peser sur lui et ses propres battements de cœur ridiculement rapides.

- Vous accepteriez de me parler de vous ? demanda-t-elle au bout de quelques secondes en rougissant d’une manière incroyablement attendrissante qui tranquillisa Maximilian : il n’était pas le seul dans la pièce à se sentir désemparé dès qu’ils revenaient à un certain degré d’intimité.

Il hocha positivement la tête en guise de réponse et tendit la main dans sa direction. Elle l’attrapa après une hésitation si infime qu’il se persuada l’avoir rêvé et ils s’assirent ensemble sur le canapé où il s’était précédemment réveillé. Ils se tenaient toujours la main et ni l’un, ni l’autre ne paraissait en être gêné. Le Vagabond appréciait tout particulièrement la sensation de douce force qu’il avait avec les doigts fins d’Aylin entre les siens. Elle avait tout d’une magnifique poupée de porcelaine ; la capacité de tuer en plus. Et c’était diablement séduisant.

- J’accepte, déclara-t-il, mais j’aimerais poser une condition à cela.

Il laissa son regard dériver sur son visage, admirant la profondeur de ses yeux, estimant la perfection de son nez et goûtant l’élégante sensualité de ses lèvres. Ce visage, il ne pourrait jamais s’en lasser. C’eut été comme un blasphème d’oser pouvoir penser qu’il perdrait un jour de son attrait, deviendrait banal, un simple élément de plus dans le décor. Se reprenant, Maximilian sourit, animé d’une étrange bouffée de joie, et dévoila sa pensée :

- Vous répondrez à tout ce que je dirai par les éléments correspondant à votre propre vie.

Une ombre de réticence sembla traverser le visage d’Aylin mais elle se reprit rapidement et, estimant que ‘qui ne dit mot, consent’, Maximilian porta à ses lèvres les mains de sa brune pour les embrasser.

- Je vais donc commencer par vous parler de mes passions, dit-il après avoir reposé leurs mains. Sachez ainsi que je suis un admirateur des plus fidèles de James Bond. Je considère qu’il est la quintessence même de la classe, excepté en ce qui concerne le dernier hurluberlu qui l’incarne, en dépit du fait que les films restent très intéressants. J’apprécie aussi sa désinvolture et ses goûts généraux. Ian Fleming a vraiment fait du bon travail avec lui, lâcha-t-il en détournant un instant son regard d’Aylin sur qui il revint néanmoins rapidement. Ce que j’apprécie aussi est faire la cuisine. Il paraît d’ailleurs que je suis plutôt doué dans ce domaine, ajouta-t-il en prenant un air sobre qui s’évanouit au bout d’une seconde au profit d’une expression plus ouverte : je vous ferai juge de cela plus tard, si vous le désirez. Ensuite vient quelque chose que je sais avoir en commun avec vous : le jeu. Vous et moi sommes des joueurs invétérés comme chacun de nous le sait donc je ne reviendrai pas davantage dessus… Et,vous l’avez peut-être remarqué, j’ai une relation toute particulière avec les cartes que je considère comme mes plus fidèles alliées. Sauf quand je suis en votre présence… Etrangement, lorsque je me trouve avec vous, comme en ce moment par exemple, je n’ai pas envie de les attraper. Je veux simplement vous attraper vous et ne pas vous lâcher. Mais cela, vous le savez déjà : il me semble en avoir parlé avant de faire mon intéressant en chutant du toit.

L’incident lui paraissait être éloigné dans le temps. Si loin que c’était à peine si c’était à lui que c’était arrivé. Non, vraiment, cela avait dû frapper quelqu’un d’autre, un autre Maximilian, plus malchanceux. Pas lui. Un second élan douloureux derrière son œil le ramena à la réalité de l’évènement et il se contrôla pour ne pas réagir violemment afin de ne pas inquiéter Aylin dont il tenait toujours les mains.

- Par ce fait, reprit-il avec une légère hésitation, ne vous attendez pas à récupérer votre totale liberté avant un certain temps. Sauf si, bien sûr, vous me trouvez gênant. Mais, excusez mon honnêteté, je n’ai pas l’impression que ce soit le cas, termina-t-il en souriant largement.