Aloysius était satisfait, les nouvelles diffusées par le journal télévisé n’étaient pas spécialement mauvaises et il y avait même eu un court reportage sur le meurtre de l’un de ses anciens concurrents qu’il avait lui-même commis donc son égo se trouvait être plus que ravi lorsque son portable vibra sur sa table de nuit pour lui signifier l’arrivée d’un nouveau SMS. Tendant le bras en se vautrant un peu plus sur le matelas de son lit, le jeune homme attrapa son cellulaire et lut le message dans cette position, sa satisfaction égocentrique décroissant un peu plus à chaque mot qu’il lisait.

Alors, Al’, je dois payer ma dette...
Qu’attends-tu de moi ? Mais...
Attention... je te préviens...
Je ne suis pas docile de tout !

La garce. Même si elle n’avait pas signé, le blond sut aussi instantanément qu’instinctivement que l’expéditeur de ce texto se trouvait être sa voisine de pallier et réagit en conséquences. Sans réellement réfléchir à ce qu’il faisait, il se leva ainsi brusquement de son lit, en lâchant son téléphone qui alla s’écraser au sol après avoir rebondi sur le matelas, pour pouvoir fouiller intégralement ses poches, cherchant fébrilement son portefeuille avant de finir par accepter qu’il venait de lui être volé par Norah-je-suis-une-garce de la chambre d’à côté. Il venait de lui empêcher des retrouvailles désolantes avec l’un de ses ex et c’est ainsi qu’elle le remerciait ? S’il avait su, il était clair qu’il l’aurait laissée se débrouiller seule. A cet instant de ses ruminations, quelque chose tiqua en lui et il relut le message qu’il venait de recevoir en se levant de son lit. En fait, il avait eu raison d’agir de la sorte : elle avait désormais une dette à son égard, en effet. Quelle bonne idée il avait eu de conserver une carte de visite avec ses propres cordonnées dans son portefeuille, parfois il s’aimait profondément d’être si intelligent. Après, certes, c’était beaucoup moins glorieux de s’être fait dérober le dit portefeuille aussi bêtement mais on ne pouvait pas être infaillible même si proche de la perfection. Néanmoins agacé de s’être ainsi laissé berner, le jeune homme se saisit de la lampe la plus proche de lui et l’envoya s’éclater contre le mur donnant sur la chambre de Norah en signe de frustration tout en espérant qu’elle l’entende avant de se raviser, songeant que cela lui ferait sûrement bien trop plaisir de s’apercevoir de l’état de mécontentement dans lequel elle l’avait mis.

Tâchant de se calmer pour éviter de lui fournir cette satisfaction, il se saisit du paquet de cigarettes qu’il avait un peu plus tôt abandonné sur l’un des guéridons qui meublaient sa vaste chambre et l’alluma d’un geste souple avec le briquet qu’il avait précédemment retiré du paquet pour ensuite relancer le tout là où il l’avait récupéré, la gorge agréablement emplie de fumée pour la première fois depuis son réveil. Doucement, il expira ensuite les délicates volutes empoisonnées tout en réfléchissant à ce qu’il allait demander à Norah pour lui effacer sa dette lorsqu’il irait défoncer sa porte en même temps qu’il irait récupérer son portefeuille. Après quelques secondes de réflexion, il se rendit compte qu’il n’avait besoin de rien, hormis d’éventuellement regonfler son égo blessé alors plutôt qu’essayer de trouver le plan parfait pour cela, il préféra terminer sa cigarette, l’écraser dans le cendrier jusque là vierge de toute cendre et quitter sa chambre avec la ferme intention de se rendre dans celle de sa voisine tellement joueuse. Ainsi présentement planté dans le couloir, le visage fermé par la concentration, il s’étira rapidement les bras plus par habitude que par réelle nécessité puis envoya un violent coup de pied frapper l’intersection des deux battants qui composaient la porte de la chambre de Norah, les sentant céder légèrement au niveau du mécanisme de leur serrure avec un plaisir qui fit s’imprimer un petit sourire sur son visage. Satisfait de pouvoir se défouler d’une façon intéressante, il cogna de nouveau la porte d’un coup de pied un peu plus puissant et son sourire s’élargit quelque peu quand sa cible abandonna la lutte en béant suffisamment à l’intérieur de la chambre pour qu’il y pénètre en finissant simplement de pousser les battants avec ses mains.

Afin d’éviter une quelconque embuscade de la part de la brune, il resta dans le hall immédiat de sa chambre et jeta un regard circulaire sur le reste de la pièce dans laquelle il venait de pénétrer, s’apercevant sans réelle surprise qu’il s’agissait de l’exacte réplique de la sienne mais aménagée à l’inverse de façon à ce que les canalisations et les conduits de la climatisation soient regroupés au même endroit. Cependant, à sa grande insatisfaction, l’occupante théorique des lieux lui demeurait toujours invisible malgré le fait qu’il continuait à la chercher visuellement parlant, allant même jusqu’à avancer de quelques pas dans la pièce pour élargir son champ de vision, son couteau fétiche à moitié ouvert dans la paume de sa main afin de parer à toute attaque éventuelle et cela lui déplaisait assez alors il prit l’initiative de parler afin de l’inciter à la faire sortir de son trou.

- Norah ? C’est Aloysius, Alo pour les intimes d’ailleurs, pas Al parce qu’Al c’est vraiment très laid mais remarque, tu t'en fiches parce que nous ne sommes pas intimes et que tu dois m'appeler Aloysius, commença-t-il à dire en se remettant à avancer précautionneusement jusqu’à arriver devant la salle de bains à la porte fermée où il supposait être la jeune femme. Tu veux bien me rendre mon portefeuille, s’il te plait ? demanda-t-il finalement en appuyant sur la poignée de la porte de la salle d’eau afin de l’ouvrir à la volée pour y découvrir une pièce vide, les lumières s’allumant automatiquement dès qu’elles y détectaient un mouvement.

Un instant décontenancé par l’absence de Norah, il fit néanmoins rapidement volte-face et sortit de la salle de bains dans le but de se diriger vers la partie salon de la chambre qui se trouvait être adjacente à la partie nuit, tous les sens encore aux aguets parce que même si tout semblait indiquer qu’il se trouvait seul dans les lieux, il était persuadé qu’il aurait entendu sa voisine si elle avait décidé de sortir de sa chambre et était ainsi parfaitement décidé à la trouver avant d’avoir à subir un autre de ses mauvais coups. Après tout, il était en passe de devenir l'un des êtres les plus influents que Londres ait connu de tout temps, il n'avait pas à accepter un tel traitement même si ça lui permettait de s'entraîner aux futures traîtrises qu'il aurait à coup sûr à subir lorsqu'il serait enfin devenu Le maître de la ville.