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 Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo

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Iwan Koslow
    Date de Naissance : 19/04/1990







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Iwan Koslow






Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo - Page 2 _
MessageSujet: Re: Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo   Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo - Page 2 EmptyDim 4 Déc 2011 - 19:24

Des diverses possibilités auxquelles je m’attendais, celle du silence suite à ma proposition était la plus probable d’arriver à mes yeux. Après tout, cela peut signifier tellement de choses que c’est ce qui risquait fort de se produire. Peut-être se demandait-il comment refuser sans me froisser. Ou peut-être réfléchissait-il à la meilleure façon de me virer pour avoir ne serait-ce qu’oser une telle chose. Je n’étais pas certain que cela puisse être possible, j’avais des droits après tout, non ? Mais cela restait tout de même probable. Après venait les panels du choc, de la gêne, voire même d’acceptation de mon idée. Quoiqu’il en soit, Leonardo Sacritorian prit bien son temps pour me répondre. Et pourtant, quoiqu’il puisse advenir, je restais parfaitement calme. J’avais osé, au moins, et je ne le regrettais en rien.

Un sourire poli, et rien de plus, répondit au mieux bien plus chaleureux, et les yeux verts du brun se dirigèrent vers le sol. Puisque je le dépassais déjà debout, je respectais tout à fait que me regarder depuis une position assise pouvait être à l’origine de dévissement du cou. Mais dans ces circonstances, on pouvait plus prendre le fait qu’il ne me regarde pas pour de la gêne, ce qui était assez cocasse vu sa position hiérarchique plus élevée que la mienne. Enfin, il entremêla les doigts de ses deux mains et s’étira pendant plusieurs secondes et releva le regard sur moi, un grand sourire aux lèvres.

- Cela me dit bien, oui, monsieur Koslow.

Il opinait en même temps du chef, par automatisme, certainement. Je n’eus pas le temps de me ravir suffisamment qu’il ne tardait pas à poursuivre :

- Excusez-moi de vous avoir fait attendre mais, comme vous devez le savoir, il faut toujours quelques instants pour revenir à la réalité après s’être concentré tant de temps.

L’explication était logique, mais me fit hausser un sourcil, et que Leonardo l’ait remarqué ou non, il n’en fit aucune remarque. J’avais en effet pu voir qu’il était resté concentré un certain temps, mais non, je ne savais pas qu’il lui fallait toujours quelques instants pour revenir à la réalité, selon ses termes. Je n’avais pas vraiment prêté garde à ce détail, voire même pas du tout. Mais j’évitais de contredire mon supérieur hiérarchique qui semblait parti sur sa lancée au niveau verbal. Il se leva prestement et attrapant sa veste, fit une pause pour me parler à nouveau :

- Vous avez une préférence ? Sinon, je connais un japonais pas très loin qui est plutôt convenable.

J’acquiesçais tout en l’observant me désigner par la même occasion la direction de l’endroit en question. Je notais mentalement tous les gestes qu’il faisait, souriant intérieurement en remarquant que certains n’avaient pas une grande utilité. Il était temps que je me mette à lire cet ouvrage sur le non-verbal, soit la gestuelle des personnes. Je sentais que Leonardo allait faire un très bon sujet d’observation, qui plus est.

Je suivais en silence l’italien et, par habitude, voulus appuyer sur le bouton du rez-de-chaussée dans l’ascenseur, mais Leonardo eut la même idée. Me laissant finalement faire la manœuvre, l’ascenseur put se refermer et commencer sa descente. J’étais enchanté de la tournure que prenait la journée. J’étais d’une excellente humeur, et découvrais un nouvel intérêt pour un certain Leonardo Sacritorian, avec qui j’allais déjeuner, ce qui me changerait de mes habituels repas passés en solitaire. Et puis, si le brun avait accepté de déjeuner en ma compagnie, c’est bien qu’il devait m’apprécier un minimum également. En apprendre plus sur lui ne devrait donc pas être quelque chose de trop difficile. Et ça tombait bien, car c’est ce que j’avais l’intention de faire.

- J’ai remarqué que vous aviez l’air de bonne humeur en arrivant ce matin. Qu’est-ce qui vous arrive ?

La question tombait sous le sens, mais je mis un certain temps à bien la comprendre. Il était curieux de savoir pourquoi j’étais de bonne humeur et au vu des semaines précédentes, j’étais conscient que cela avait de quoi étonner de voir que je pouvais brusquement changer d’humeur. Comment pouvais-je lui répondre ? A coup sûr, il allait me prendre pour un fou et trouver un prétexte pour me virer quand il saurait que c’était juste ainsi, je changeais d’humeur parfois comme de chemise et du jour au lendemain, pouvais passer d’une humeur joyeuse à renfermée. Mais autant opter pour la vérité, après tout. J’avais bien réussi à l’inviter, lui avouer que je n’avais pas vraiment de contrôle sur mon humeur, comme les femmes quand elles ont leurs règles, ni sur la capacité que les autres ont de m’influencer ne devrait pas me poser problème. Je m’apprêtais donc à lui répondre mais Leonardo me devança :

- Pardonnez mon indiscrétion, vous n’êtes évidemment pas obligé de répondre, mais cela m’a intrigué puisque vous vous êtes toujours montrés assez taciturne jusque là.

Le terme « taciturne » me convenait tout à fait, et exprimait sans doute avec le plus de justesse possible la façon dont je me comportais ces dernières semaines. Je me demandais d’ailleurs ce qui avait bien pu motiver Leonardo à m’embaucher, surtout à ce moment-là. Mais là n’était pas la question. Je frôlais la parfaite impolitesse à ne pas répondre. Il fallait remédier à cela.

- Votre question est tout à fait légitime, ne vous inquiétez pas, commençais-je avec un sourire. Je suis… Eh bien disons que j’ai des « périodes » où je suis d’excellente humeur et d’autres où c’est loin d’être ça. Je suis un peu lunatique mais sur un temps plus long que ce que signifie habituellement cet adjectif.

Leonardo parut assez choqué et surpris, ce qui me fit rire doucement mais je préférais ne pas m’emporter et préciser ce que j’entendais par là avant que l’italien ne se décide à m’envoyer chez les fous. Car qui plus est, comme nous passions dans le hall, la secrétaire était à proximité et je craignais qu’il ne la prenne à témoin de mon étrangeté.

- Avant aujourd’hui, j’étais taciturne car… c’est dans mon caractère, d’une certaine façon, depuis un certain temps. Plus simplement, on peut dire que je me suis levé du bon pied ce matin, et normalement, vous n’avez pas à craindre un brusque changement d’humeur dans la journée.

J’omettais bien volontairement de lui parler du camp, de mon anneau qui me permettait de voyager dans le temps ou de toute autre chose du même acabit. Je souriais toujours, espérant que l’explication lui conviendrait et qu’il ne m’annoncerait pas finalement qu’il changeait d’avis.

Comme nous avancions en parlant, nous étions vite arrivés à l’extérieur. Le changement de luminosité me fit cligner des paupières pendant plusieurs secondes, avant que mes yeux ne s’habituent progressivement à la brusque clarté. N’ayant pas la moindre idée du fameux restaurant japonais qu’avait évoqué le brun, j’observais les alentours. Reportant mon attention sur Leonardo, je demandais, toujours empreint d’une bonne humeur :

- Alors, par où va-t-on ?


Dernière édition par Iwan Koslow le Lun 22 Avr 2013 - 13:43, édité 1 fois
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Leonardo Sacritorian
    Date de Naissance : 31/08/1985

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MessageSujet: Re: Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo   Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo - Page 2 EmptyDim 12 Fév 2012 - 21:11

Le silence se prolongea une fois que Leonardo eut fini de parler, tandis qu’ils sortaient de la cabine de l’ascenseur. Il se mit alors à réellement craindre d’avoir gaffé. Il était pourtant quelqu’un doté de tact en temps ordinaire mais Iwan avait la fâcheuse tendance à le rendre nerveux. Pour tout dire, il avait l’impression qu’il devait être parfait lorsqu’il se trouvait en présence du Polonais. Cette impression étant plus que sûrement motivée par l’affection qu’il avait à son égard, il faisait de son mieux pour la maîtriser mais ne pouvait l’annihiler. Un sourire naquit soudain sur le charmant visage de son interlocuteur avant qu’il ne commence à lui répondre :

- Votre question est tout à fait légitime, ne vous inquiétez pas.

Le soulagement de Leonardo dut être perceptible sur son visage mais Iwan était lancé dans sa réponse, ainsi ne le remarqua-t-il sans doute pas. Fort heureusement.

- Je suis… Eh bien disons que j’ai des « périodes » où je suis d’excellente humeur et d’autres où c’est loin d’être ça. Je suis un peu lunatique mais sur un temps plus long que ce que signifie habituellement cet adjectif.

A l’entente de ses mots, les sourcils de l’Italien se haussèrent d’eux-mêmes. Il n’aurait jamais pensé qu’un homme puisse être sujet à un « lunatisme profond ». Pour lui, même s’il existait des hommes impulsifs, c’étaient surtout les femmes qui changeaient d’humeur comme de chemise. Il faisait donc erreur depuis des années. D’un côté, ce n’était pas si grave, il n’avait pas fait d’études de psychologie. Et, de plus, l’explication qu’Iwan venait de lui fournir sous-entendait que ce n’étaient pas des évènements personnels qui le rendait heureux ou taciturne. Cela pouvait donc impliquer qu’il n’était pas en couple. Leonardo savait qu’il allait loin en émettant cette hypothèse mais il n’avait pas pu s’en empêcher. L’envie qu’il avait de conquérir Iwan venait d’écraser la voix de la raison. Un rire discret tinta à ses oreilles puis le timbre agréable du Polonais se remit à flotter dans l’air du hall.

- Avant aujourd’hui, j’étais taciturne car… c’est dans mon caractère, d’une certaine façon, depuis un certain temps. Plus simplement, on peut dire que je me suis levé du bon pied ce matin, et normalement, vous n’avez pas à craindre un brusque changement d’humeur dans la journée.

Un frisson glacé se fraya un passage le long de la colonne vertébrale de l’Italien tandis qu’il réfléchissait à ce que pouvait impliquer ce qu’Iwan venait de dire. En effet, du fait de son état amoureux, il était malheureusement très tenté de traduire la déclaration qui venait de lui être faite par : depuis quelques semaines, j’étais célibataire et/ou amoureux de quelqu’un qui ne me le rendait pas mais hier, nous avons fini par conclure et étant donné que c’était mieux que dans mes rêves les plus fous, vous pouvez être sûr que je garderai la forme pour au moins deux mois. La persistance du sourire du Polonais sur ses lèvres accentuait le poids de l’hypothèse et l’Italien crut qu’il allait se sentir mal. Leur arrivée à l’extérieur lui fit du bien. L’air sainement pollué de la rue le fit redescendre sur Terre et l’empêcha de faire demi-tour pour monter se barricader dans son bureau, ce qui aurait été, avouons-le, aussi puéril qu’inutile. Lançant un regard circulaire autour d’eux, certainement à la recherche du restaurant qui était leur destination, Iwan finit par reposer son regard sur lui et demanda avec entrain :

- Alors, par où va-t-on ?

Un instant, Leonardo ne comprit pas ce qu’il voulait dire puis ses neurones se reconnectèrent et il désigna d’un mouvement lâche du poignet la gauche. Ils se mirent en marche, lui à une allure moins souple que d’habitude, comme si ses muscles s’étaient raidis brusquement. Ce qui était arrivé, d’une certaine façon, puisqu’il n’arrivait pas à se sortir de la tête qu’Iwan était effectivement en couple et qu’il n’avait plus aucune chance. Pas qu’il en ait jamais vraiment eu mais tant que le jeune homme avait semblé célibataire, l’espoir avait toujours été présent, sous-jacent. Là, il n’y avait plus de place pour lui. Il se trouvait acculé par la réalité. Et c’était ce qui raidissait la démarche d’Italien et plaçait une ombre sur son visage alors que son compagnon semblait ne rien remarquer, sûrement pris par les rêveries de l’amour. Une grimace déforma une courte seconde la bouche de Leonardo avant qu’il ne décide de se ressaisir. Il n’était pas une adolescente en mal d’amour. Il avait déjà vécu bien pire et avait survécu. Il n’avait donc pas à accorder à Iwan plus d’attention qu’il ne le devrait en tant qu’employeur. Son dos se redressa alors légèrement et il tourna légèrement la tête vers Iwan, en veillant toutefois à ne pas se prendre un poteau. Eviter de se ridiculiser pour ne pas perdre sa crédibilité en tant que patron était vivement recommandé.

- Iwan, commença-t-il avant de se rendre compte qu’il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il pouvait dire. Se sentant plus balourd que jamais, il réalisa également qu’il venait de l’appeler par son prénom alors que jusque là, l’usage des noms de famille avait toujours été privilégié. Mentalement, il se frappa puis reprit avec tout le naturel qu’il avait en réserve : Je peux vous appeler Iwan ?

Par chance, le restaurant japonais était tout proche et Leonardo accéléra discrètement le pas, ses doigts jouant discrètement avec l’élastique qu’il avait toujours sur lui et son acolyte suivant instinctivement son allure sans difficultés grâce à ses longues jambes. Un serveur les accueillit immédiatement et, reconnaissant l’italien qui appréciait venir là, le salua par son patronyme. Deux minutes plus tard, ils se trouvaient installés au beau milieu du restaurant, entourés de tables plus ou moins remplies mais placées à une distance suffisamment grande pour garantir une certaine intimité. Un menu leur fut aussitôt apporté et Leonardo le posa devant lui avant de reprendre la parole, afin d’éviter de se faire passer pour plus impoli qu’il ne devait sembler l’être. Malheureusement, il lui sembla impossible de ne pas avoir l’air d’être atteint d’Alzheimer.

- Cela vous pose-t-il un quelconque problème que je vous appelle Iwan ? Bien sûr, vous pouvez m’appeler Leonardo. Si je vous pose la question, c’est parce qu’Ellie m’a fait remarquer que ce serait bien plus convivial si tout le monde s’appelait par son prénom puisque le cabinet n’est pas très grand, prétexta-t-il avec un aplomb qu’il ne se souvenait pas posséder.

Sa question posée, il s’autorisa à ouvrir le menu, qu’il connaissait de toute manière par cœur, et fit son choix tandis que son interlocuteur paraissait réfléchir à sa réponse. L’Italien évita autant que possible de penser à sa teneur mais il ne pouvait toutefois pas empêcher ses épaules d’être légèrement crispées alors que son visage arborait une expression aussi neutre que d’habitude. Avec un certain sens de l’humour, il se dit que le lunatisme d’Iwan commençait à déteindre sur lui tant il était à fleur de peau et susceptible de changer d’humeur pour un rien… L’envie qu’il avait de jouer avec son élastique se précisa subitement à son esprit et il lutta contre elle aussi fort qu’il le put, déterminé à ne pas laisser sa manie étrange apparaître au grand jour. Comme un alcoolique, il évitait de montrer aux autres son tic nerveux, sachant qu’il leur apparaîtrait aussi incongru que risible pour un homme de son âge. De plus, leur permettre de mesurer l’intensité de ses réflexions ou de sa nervosité grâce à l’allure de ses mouvements sur l’élastique lui paraissait être vraiment une très mauvaise idée. Il n’y avait qu’avec ses amis les plus proches qu’il se laissait aller librement à sa manie. Il n’était même pas sûr que Lester soit au courant. Ecartant la question de son esprit, il reposa son regard sur Iwan et le fixa avec nonchalance.
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Iwan Koslow
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MessageSujet: Re: Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo   Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo - Page 2 EmptyLun 13 Fév 2012 - 22:51

La gauche m’étant indiquée par l’Italien, nous nous mîmes en marche dans cette direction. Je ne savais pas le temps qu’il nous faudrait pour atteindre le restaurant en question et remplir nos estomacs, mais j’étais en tout cas d’une bonne humeur à ne voir que le bon partout. Le soleil était maintenant haut dans le ciel, on entendait par ci par là quelques oiseaux chanter et même la pensée de la lettre reçue ce matin n’arrivait pas à entamer ma joie. Certes, une personne était morte, et sa famille en serait accablée. Mais j’avais appris depuis le temps à ne pas me laisser bouleverser. Il m’arrivait de craquer, parfois, quand je me retrouvais seul. Mais je me laissais aller juste dans ces moments-là, et ils étaient plutôt rares. Cela valait mieux pour les familles comme pour moi. Je devais trouver les bons mots, m’adapter à chacun. Et parfois cela ne marchait pas. Mais la plupart du temps j’arrivais à apporter la nouvelle mais en atténuant le choc. Chassant ces pensées un peu morbides de ma tête, je me concentrais à calquer mon pas sur celui de Leonardo, ce qui me faisait marcher légèrement moins rapidement qu’à mon habitude. Car quand on fait ma taille, on prend vite pour habitude de mettre le plus de distance entre vous et les autres, les grandes jambes le permettant amplement. Je n’aimais pas être au centre de l’attention, mais j’avais pourtant dû m’habituer à être remarqué à cause de ma taille plutôt hors-normes. J’avais même entendu un enfant demander à sa mère s’il serait aussi grand que le monsieur, quand il serait grand. Ce qui me faisait sourire, maintenant.

- Iwan, commença Leonardo avant de s’arrêter quelques secondes. Je ne savais si c’était l’usage de mon prénom qui l’étonnait tout autant que moi ou autre chose, mais il finit par continuer : Je peux vous appeler Iwan ?

Je fis l’effort de ne pas paraître complètement ahuri par la situation et de n’afficher qu’une légère curiosité. La question me prenait au dépourvu et je n’eus le temps de hocher la tête que Leonardo accéléra le pas tandis qu’une enseigne de restaurant apparaissait à mes yeux. Je suivis le rythme sans protester ; le brun avait peut-être terriblement faim et était pressé de passer commande. Ses réactions m’étonnaient un peu, mais j’étais fort mal placé pour juger ça alors que moi-même je réagissais par instinct et pure envie. Je ne lâchais pas d’une semelle celui que j’appelais habituellement monsieur Sacritorian et quelques minutes plus tard, escortés au préalable par un tiers serveur, nous étions attablés au beau milieu de la salle plus ou moins remplie. Des menus nous furent aussitôt donnés mais l’Italien ne le consulta pas aussitôt, m’accordant à nouveau de l’attention et ses beaux yeux verts en prime :

- Cela vous pose-t-il un quelconque problème que je vous appelle Iwan ? Bien sûr, vous pouvez m’appeler Leonardo. Si je vous pose la question, c’est parce qu’Ellie m’a fait remarquer que ce serait bien plus convivial si tout le monde s’appelait par son prénom puisque le cabinet n’est pas très grand.

C’était la troisième fois en moins de dix minutes qu’il m’appelait par mon prénom et l’entendre de sa bouche me troublait fortement. Je m’étais habitué à ce que l’on m’appelle par mon nom de famille. Mais soit, l’explication était en effet juste. Je doutais de mes capacités à appeler mon patron par son prénom, même si, comme il l’avait mentionné, je le pouvais. J’avais en effet toujours appelé Ellie par son prénom mais que la réciproque n’était pas vraie. Sans doute m’avait-elle été présentée ainsi et qu’étant dans une période où j’étais plutôt de mauvais poil, je n’avais cherché à changer cela. Je n’avais même pas mémoire de son patronyme, s’il me fut connu un jour. Mais en effet, elle avait raison. Cela serait sans aucun doute plus convivial pour nous de s’appeler par nos prénoms. Il me faudrait un temps d’adaptation, mais ça irait. Tout pendant que je me laissais aller à mes réflexions, j’avais pris note de façon plus ou moins inconsciente que mon interlocuteur avait parcouru le menu du regard et puisqu’il avait relevé la tête vers moi, qu’il avait probablement fait son choix aussi. Je manquais clairement de politesse en le faisant attendre ainsi et décidais d’y remédier immédiatement en répondant à la question posée.

- Cela ne me pose aucun problème, répondis-je enfin avec un sourire. Ellie a raison, ça ne serait sans doute pas plus mal.

Jetant un rapide coup d’œil au menu, j’en revins à Leonardo et décidai de m’expliquer un minimum, pour ne pas passer, en plus d’un fou au comportement changeant selon les périodes, pour une personne non civilisée. Et comme c’était souvent le cas lorsque j’étais dans un bon jour, discuter ne me dérangeait pas le moins du monde.

- Je suis désolé de mon temps de réaction, votre question m’a pris au dépourvu. Je suis habitué depuis plusieurs années à me faire appeler par mon nom de famille, expliquais-je en pensant au moment où je travaillais dans la police tout en évitant soigneusement, même dans mon esprit, de penser à l’époque où je n’étais qu’un matricule. J’ajoutais avec un nouveau sourire pour ne pas laisser à penser que cela me dérangeait : Mais cela me convient tout à fait.

J’abandonnais le visage de Leonardo que j’avais dévisagé assez ouvertement et dont j’avais noté les détails dans un coin de mon cerveau pour pouvoir y repenser à mon aise, pour m’absorber à mon tour dans la lecture du menu. Je parcourus en diagonale les différents plats, peu habitué à la nourriture japonaise, et décidais un peu au hasard de ce que j’allais manger, mais en vérifiant tout de même que le plat serait susceptible de me plaire. Je ne me sustentais pas de façon très variée mais étais toujours ravi de découvrir de nouvelles saveurs, comme ça serait le cas ici-même. Relevant la tête, je croisais le regard de mon vis-à-vis et eus envie de relancer la conversation, jugeant que j’avais laissé le temps nécessaire à Leonardo de comprendre mon explication.

- Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir architecte ?

C’était la première question qui m’était venue à l’esprit et cela pouvait paraître un tantinet déplacé, mais comme nous nous connaissions par le biais du travail, il me semblait que l’interrogation n’était pas si incongrue que cela. Après tout, rien ne l’obligeait à me parler de sa vie privée ou quoi que ce soit de ce genre. Si ma question le gênait, il pourrait même tourner court de façon simple et me faire aisément comprendre que j’allais trop loin. J’espérais cependant qu’il ne le ferait pas, car j’étais vraiment décidé à en apprendre plus sur l’homme charmant me faisant face. Je devais créer des liens avec les autres et arrêter de passer mon temps seul, alors pourquoi ne pas commencer par connaître mieux les personnes que je côtoyais dans la vie professionnelle ? Ce serait toujours un début. Et je ne pouvais qu’avouer que la pensée d’entreprendre la prise en main de ma vie sociale avec un homme aussi charmant que Leonardo m’était fort agréable. Restait à savoir si je ne poussais pas le bouchon trop loin et jusqu’où notre relation pouvait aller.

Leonardo était plongé dans ses pensées lorsque le serveur arriva pour prendre notre commande. Je ne sais si cela lui fit perdre le fil de sa réflexion, mais une fois nos plats commandés, j’attendis patiemment encore plusieurs secondes que Leonardo n’ouvre la bouche pour répondre à ma question. Ou pour l’évincer. Et j’espérais fortement que la première proposition était la bonne.


Dernière édition par Iwan Koslow le Lun 22 Avr 2013 - 13:44, édité 1 fois
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Leonardo Sacritorian
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MessageSujet: Re: Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo   Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo - Page 2 EmptySam 10 Mar 2012 - 15:06

Détailler Iwan de la sorte, sans aucune gêne, était un exercice auquel Leonardo s’adonnait rarement. Cette rareté venait principalement du fait que l’on aurait pu trouver incongrue l’attention qu’il portait à son subordonné. Néanmoins, dans la situation où ils se trouvaient, son comportement était parfaitement légitime. Même, il était obligatoire. On aurait pu l’accuser d’impolitesse ou d’hauteur, autrement. Choses qui ne caractérisaient aucunement l’italien. Sa mère l’avait éduqué d’une façon plus qu’honorable et la rébellion de son aristocrate de père l’empêchait de se croire meilleur que les autres. Se comparer à ceux qui nous entouraient n’était pas sain, de l’avis du brun. Il le faisait tout de même, notamment quand il partait dans une légère crise de paranoïa vis-à-vis d’Iwan. Comparer entre eux ceux qui l’entouraient était également quelque chose qu’il faisait assez régulièrement. Surtout, une fois encore, quand il s’agissait d’Iwan. De toute façon, quoiqu’il advienne, pour lui, Iwan dépassait assez largement tous ceux à qui il pouvait le comparer, même s’il savait qu’il n’était pas un surhomme. C’était simplement sa subjectivité qui parlait et sa subjectivité était toute gagnée au Polonais.

- Cela ne me pose aucun problème, répondit finalement celui-ci, tandis que Leonardo avait presque oublié la question qu’il avait posé tant il était parti dans ses réflexions. Le visage d’Iwan était absolument captivant. Ellie a raison, ça ne serait sans doute pas plus mal.

Se retenant difficilement de rire, autant parce que le jeune homme avait accepté sa proposition que parce que son léger mensonge avait été très convaincant, l’architecte sourit poliment et continua de l’observer sans trop insister. Il savait d’expérience qu’être fixé intensément n’était source que d’une gêne profonde. Rapidement, le Polonais détailla sa carte avant de se réintéresser à lui. Il sembla alors prendre une décision, ce qui fit tiquer Leonardo. Il ne voyait pas ce qui avait pu susciter une telle réaction chez son interlocuteur. Ou du moins, il avait trouvé une multitude de théories sur le sujet en moins d’une seconde mais il savait pertinemment qu’elles étaient fausses puisque toutes, ou presque, comportaient une déclaration d’amour, sinon d’attirance. Par chance, Iwan ne semblait pas décidé à jouer avec ses nerfs et explicita rapidement ses pensées :

- Je suis désolé de mon temps de réaction, votre question m’a pris au dépourvu. Je suis habitué depuis plusieurs années à me faire appeler par mon nom de famille, déclara-t-il avec une simplicité qui emplit l’Italien de tendresse. Le sourire qui naquit, un instant après, sur ses lèvres ne fit qu’accroître l’affection à son sujet. Il comprenait tout à fait ce que le Polonais tâchait de lui dire et était touché qu’il prenne le temps de le faire. Mais cela me convient tout à fait.

Cependant, qu’il accepte le touchait décidément bien plus, à vrai dire. Surtout que durant tout le temps où il s’était exprimé, le jeune homme avait dévisagé plus qu’il n’avait regardé Leonardo et celui-ci ne pouvait s’empêcher d’en être troublé. Y avait-il un problème quelconque avec son visage ? Une tâche, une expression qui n’aurait pas du y être ? Une combinaison des deux, peut-être ? Il espérait que cela ne fut pas le cas ; autant pour ne pas être ridicule que pour pouvoir attribuer l’attention excessive d’Iwan à un intérêt personnel. Coupant court à ses suppositions, le Polonais se remit à observer la carte et Leo ne put s’empêcher d’en faire de même avec lui. Il lui rendait la pareille, de toute façon, non ? Certes, lui ne le faisait pas pour la première fois et surtout il le faisait alors qu’Iwan avait peu de chance de le remarquer mais ce n’était qu’un détail. Oui. Un détail. Un détail qui ne l’empêcha même pas d’être pris sur le fait, quelques instants plus tard. Cela ne sembla toutefois choqué ou dérangé le jeune homme puisqu’il reprit la parole, aussitôt après :

- Qu’est-ce qui vous a poussé à devenir architecte ?

Ces quelques mots suffirent à projeter Leo des années en arrière, en 2002 pour être exact. Il vient d’avoir dix-sept ans. Dans un an, il doit choisir l’université dans laquelle il fera ses études. Ses projets d’avenir sont plutôt flous. Ses parents tentent bien que mal d’essayer de l’aider à cerner ce qui pourrait lui convenir mais c’est finalement une émission qui l’aidera à réaliser que l’architecture pourrait être un domaine qui lui irait. Il a toujours eu un talent pour la mise en perspective, le dessin et l’originalité peuple son esprit, même s’il a du mal à l’admettre. Lui, tout ce qu’il veut, c’est ne pas faire de vague. Faire des vagues risquerait de casser les digues en lui, celles qu’il s’est aménagées pour devenir quelqu’un de stable et de fiable. L’architecture lui permettrait de rester dans la stabilité tout en expurgeant son excès d’originalité, lorsque le besoin se fait sentir, à travers des plans futuristes qu’il ne sera même pas obligé de montrer. Son côté studieux serait aussi satisfait de ce choix de carrière. Alors Leo va voir la conseillère d’éducation de son lycée, lui parle de son projet et elle lui propose des universités. Il a désormais un objectif qu’il va faire un point d’honneur à remplir. Et il va réussir. Entre-temps, il aura rencontré Cecilia mais ce n’est définitivement pas ce à quoi il veut penser en présence d’Iwan. Ce serait comme une trahison. Autant pour elle que pour lui, même si lui ne sait rien de son importance aux yeux de Leo. Perdu dans ses souvenirs, essayant de trier les sentiments des faits, l’Italien remarqua à peine l’arrivée du serveur. Ce fut seulement en entendant la voix de son comptable qu’il daigna revenir dans le monde réel et commander à son tour. Cela fait, il s’accorda encore quelques secondes de mutisme, la silhouette de Cecilia revenant danser dans son esprit puis sortit de sa poche son élastique. Il le posa devant lui, prêt à être utilisé si le besoin s’en faisait sentir.

- Excusez-moi, Iwan, je crois bien m’être égaré dans le dédale de mes souvenirs, sourit l’Italien de lui-même en prenant un certain plaisir à prononcer le prénom de son interlocuteur. C’est une émission de télévision qui m’a mis sur la voie. Un reportage de la BBC présentait les plus grands travaux architecturaux du vingtième siècle et je me suis senti une accointance immédiate avec leurs créateurs.

Il ménagea une pause, satisfait de sentir la tension provoquée par l’évocation de Cee refluer, puis sourit en se frottant du bout de l’index la tempe.

- Bien sûr, je n’ai jamais eu pour véritable ambition de devenir un génie de l’architecture, reprit-il en appréciant le contact visuel direct qu’il existait entre Iwan et lui. Le jeune homme l’écoutait attentivement, c’était flagrant, et cela lui faisait réellement plaisir. Simplement de créer des choses qui resteront un certain temps dans notre monde, avant de disparaître. Parce qu’il me semble que tout finit par disparaître dès que cela se trouve à portée de l’Homme, développa-t-il en leur servant un verre d’eau, machinalement. Leur lien visuel se trouva ainsi brisé durant une seconde mais l’Italien s’empressa de nonchalamment le recréer tandis qu’il portait son verre à ses lèvres.

Deux gorgées plus tard, il retournait la question qui venait de lui être posée à son interlocuteur, en veillant bien à remplacer « architecte » par « comptable et consultant à Scotland Yard ». Il espérait bien que le sujet finirait par glisser sur un terrain plus intime, au bout d’un moment. Cet espoir ne l’empêchait toutefois pas de s’intéresser sincèrement à ce qu’Iwan lui répondrait. Après tout, tout ce qui concernait le Polonais et lui permettrait de mieux le connaître était susceptible de l’intéresser.


Dernière édition par Leonardo Sacritorian le Sam 21 Avr 2012 - 0:04, édité 1 fois
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Iwan Koslow
    Date de Naissance : 19/04/1990







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Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo - Page 2 _
MessageSujet: Re: Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo   Comme une gifle remettant les idées en place - Iweo - Page 2 EmptyLun 12 Mar 2012 - 20:06

Bien que mon enfance se soit déroulée à une autre époque que celle de l’Italien, l’éducation reste approximativement la même que celle d’aujourd’hui. Dès le plus jeune âge, on m’avait appris à être patient, qu’il ne servait à rien de hâter les choses, qu’elles viendraient en temps voulu. J’attendais donc que Leonardo me réponde, et en profitais allègrement pour détailler son visage, ce qui ne semblait le déranger puisqu’il était plongé dans de lointaines pensées auxquelles je n’avais accès. Subitement, je revis le visage de ma mère et durant quelques secondes mon visage s’assombrit. Je n’avais pu retrouver sa tombe, lorsque j’étais retourné dans mon pays natal, il y a déjà plusieurs années. Faute de fleurs ou décorations prouvant qu’un membre de sa famille ou qu’un ami passe la voir, elle avait dû laisser sa place à un mort plus récent. Et une pensée en entraînant une autre, je songeais au temps, ce temps avec lequel j’avais triché, à ce pouvoir qui m’avait permis d’échapper à une mort plutôt certaine, de fuir la guerre et ses abominations. Si j’avais survécu et que le temps avait poursuivi son cours, j’aurais eu quatre-vingt cinq ans. Je ne pus m’empêcher de sourire en pensant que je faisais encore sacrément jeune pour un tel âge. Je ne voulais pas que tous mes mauvais souvenirs refassent surface, ce n’était ni le lieu, ni le moment. Et comme je l’avais dit plus tôt à Leonardo, j’étais dans un « bon » jour. Je préférais donc imaginer diverses situations, où je pourrais déclarer l’âge que j’aurais dû avoir aujourd’hui, et qu’on me prenne pour un fou. C’était plutôt amusant, puisque personne ne me croirait, et que temporellement parlant, j’avais bien vécu vingt-deux ans. Mais c’était la vérité. J’aurais dû avoir quatre-vingt six ans, et peut-être plus toutes mes dents. L’image mentale qui me vint en tête faillit me faire éclater de rire, mais heureusement pour moi, Leonardo finit par bouger, ce qui me fit revenir à la réalité avec un simple sourire sur les lèvres. Je n’eus le temps de me demander la raison qui le poussait à sortir un élastique de sa poche qu’il me répondait :

- Excusez-moi, Iwan, je crois bien m’être égaré dans le dédale de mes souvenirs.

Le sourire qui apparut sur ses lèvres me paraissait être le premier que je pouvais observer d’aussi près, et donc que je pouvais apprécier tout autant. L’usage de mon prénom mêlé à un vouvoiement me parut bizarre, surtout prononcé par celui qui était mon employeur. Mais je m’abstins de faire tout commentaire et attendis qu’il poursuive, curieux d’en apprendre plus sur lui.

- C’est une émission de télévision qui m’a mis sur la voie. Un reportage de la BBC présentait les plus grands travaux architecturaux du vingtième siècle et je me suis senti une accointance immédiate avec leurs créateurs.

Mes oreilles grandes ouvertes, mes yeux ne manquant rien du visage de Leonardo et des expressions et donc sentiments et émotions que j’arrivais à en capter, j’étais presqu’aussi attentif que lorsque j’étais plongé dans mon travail. Il s’arrêta quelques secondes, mais continua de satisfaire ma curiosité juste après, même si le gros de la question avait été répondu.

- Bien sûr, je n’ai jamais eu pour véritable ambition de devenir un génie de l’architecture. Simplement de créer des choses qui resteront un certain temps dans notre monde, avant de disparaître. Parce qu’il me semble que tout finit par disparaître dès que cela se trouve à portée de l’Homme.

Notre contact visuel fut un instant brisé lorsque Leonardo nous servit de l’eau et je faillis être déstabilisé, étant à la fois concentré par ses propos et par ses yeux qui exprimaient tout l’intérêt qu’il portait à son métier. Je n’avais envisagé les choses ainsi, pensé à tout cela. Il m’apportait un nouvel aspect de ce qu’il faisait et c’était fort appréciable. Tout autant que cela me donnait matière à réflexion. Tout finit par disparaître. Du point de vue matériel, ce qu’il disait était véridique, et de toute manière, il parlait bien de cet aspect-là. Car il est évident qu’il y a d’autres choses qui ne disparaissent jamais. Je m’attardais un instant à réfléchir aux constructions humaines les plus anciennes et qui avaient perduré malgré le temps qui passe. Je n’en voyais aucune n’ayant eu besoin de rénovations et qui soit restée telle quelle. Ce qui n’était pas tout à fait illogique. Tout à portée de l’Homme finit par disparaître. Le monde finirait également par disparaître lui aussi, et ses habitants avec. Restait à savoir quand.

Il était évident que la question me serait retournée, puisque c’était ainsi qu’il convenait de faire en société. Seul le métier en lui-même avait changé, et je fus surpris de voir que l’Italien se souvenait que j’étais encore plus ou moins employé pour un certain service contre un léger salaire à Scotland Yard. Je m’étais déjà préparé à répondre à cette question, à ne pas être pris au dépourvu et broder des mensonges. Mais personne avant Leonardo ne m’avait posé cette question. Ou du moins, pas avec cet intérêt. Les souvenirs affluèrent, et je me remémorais successivement de diverses choses, comme de ma supplication pour qu’on accepte, malgré mes dix-sept ans et l’absence de diplôme, que j’entre dans la police, même si ce n’était que pour servir du café. Je dus finalement attendre mes dix-huit ans, ayant tout de même été pris en tant que stagiaire auparavant. Je devais avoir l’air vraiment désespéré, et sans doute une bonne dose de chance. Toujours était-il qu’à dix-huit ans, j’avais quelque chose s’apparentant à un emploi et cela me permit tout juste d’éviter de vivre longtemps dans la rue. Je chassais ces pensées pour enchaîner avec la première mort que j’avais dû annoncer. Je n’avais jamais pensé avoir à faire cela, étant entré dans la police puisque pour moi c’était un bon moyen d’évacuer la haine que j’avais en agissant pour le bien. Mettre sous les barreaux de réels criminels. Pas des gens que l’on n’acceptait pas parce qu’ils n’avaient pas les mêmes origines. Mais évidemment, j’avais commencé au plus bas. Et annoncer la mort d’une personne à ses proches faisait partie de mon apprentissage. Je me sentis bizarrement dans mon élément lorsque je fus mis en face de la situation, l’ayant pourtant plus qu’appréhender auparavant. On avait retrouvé chez lui le fils célibataire d’une dame relativement âgée. A ses épaules voûtées, à son fin sourire triste, je devinais qu’elle savait déjà. Elle s’en doutait. J’éprouvais une bouffée de compassion pour cette dame qui venait de perdre son enfant, qu’elle avait porté et éduqué, ce fils pour qui elle avait tant d’affection. Et je l’admirais d’être pourtant si forte. Elle ne broncha pas lorsque je confirmais ses doutes, avec douceur. Elle laissa seulement ses larmes couler en silence. Je restais près d’une heure avec elle, sans rien dire, juste en tant que soutien moral et physique. La mort de l’homme n’avait rien d’extraordinaire, mais c’était la réaction même de sa mère, et cette facilité que j’avais eu à gérer la situation qui m’avaient à la fois étonné et comblé.

Je revins à la réalité, doucement, en laissant s’estomper ce souvenir de mon esprit et un sourire naturel reprendre possession de mes lèvres. Mes yeux de nouveau plongés dans ceux de Leonardo que j’avais complètement oublié en me déconnectant de la réalité, je bus à mon tour une gorgée d’eau avant de commencer.

- J’ai toujours admiré la police pour son travail que je jugeais et juge toujours indispensable même s’ils sont parfois impuissants devant certaines situations. Mais j’ai fini par me rendre compte au bout de deux ans que ce n’était pas ce qui me motivait à sortir du lit le matin, que ce n’était pas ma voie, en quelque sorte.

Je m’interrompis un instant en tachant de me remémorer d’où m’était venue cette passion pour les nombres et ma reconversion, mais aucun souvenir précis ne fit son apparition.

- J’ai donc songé à une reconversion pour la comptabilité. J’ai toujours apprécié les nombres, continuais-je en souriant à la pensée de ma mère m’apprenant à compter. Tout est rationnel, on ne peut pas avoir de mauvaise surprise avec les nombres, à moins d’avoir fait une erreur. Mais sitôt qu’on l’a détectée, tout rentre dans l’ordre. Mon travail n’est peut-être pas aussi utile que d’autres, mais il me plait, et aussi pour cette distance qu’il a avec l’être humain qui est si compliqué.

Je le vis tiquer, certainement parce que je n’avais pas réfuté le fait que je sois encore consultant pour Scotland Yard et donc que j’avais un rapport avec les gens. Cela me fit sourire, puisque je pensais justement à cela en m’expliquant.

- Mais je suis aussi… assez paradoxal. Car comme vous l’avez dit, je suis consultant à Scotland Yard, et les services que je rends à mes anciens collègues consistent en l’annonce de la mort d’une personne à ses proches. C’est une chose qui ne me dérange pas, tandis qu’elle gêne tous les autres. J’ai découvert que tout comme je prenais de la distance avec le reste lorsque je manie les nombres, je suis également capable de mettre de côté ma vie lorsque je dois m’entretenir avec les familles. Les nombres et la mort font partie intégrante de ma vie, et je conçois tout à fait que c’est glauque.

M’arrêtant enfin, j’eus l’impression d’en avoir trop dit. La question ne portait pas sur ma vision de la vie, simplement sur la façon dont j’en étais venu à me lancer dans de tels métiers. Je m’excusais donc juste après de mon bien trop long discours auprès de Leonardo qui m’avait écouté patiemment et avec visiblement de l’intérêt, à moins que je ne me fasse des idées. Ce qui, après l’annonce d’un tel rapport quasi quotidien avec la mort, était tout à fait envisageable.


Dernière édition par Iwan Koslow le Lun 22 Avr 2013 - 13:47, édité 2 fois
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