La mort n’était qu’une satisfaction amère et bien trop commune des ignorants. Sentir son souffle se couper littéralement à jamais sous l’effet de la non douleur, frémir sous les caresses de la faucheuse plus douce que les plumes de ces volatiles dont le simple nom mutile la gorge et fermer pour l’éternité des yeux qui burent la moindre image d’un bonheur fragile et imaginaire avant d’enregistrer celle de la peur réelle et totale, le désespoir. Comme c’”tait exaltant ! Norah, avec une moue dédaigneuse regarda sa victime, couchée sur le sol. Elle l’avait abîmée. En effet, la jeune femme était parfois trop brusque avec ses proies, ce qui l’empêchait de jouer avec aussi longtemps qu’elle le voudrait. Elle soupira, se frottant les mains, avant de mettre le feu au corps de la défunte. Une jeune adolescente d’une quinzaine d’années, s’étant habillée comme une prostituée. Norah leva les yeux au ciel, si son père l’avait vu ainsi, elle aurait été tout simplement punie. Elle avait fait le boulot de parents, à la place de ceux de la morte. Après que les flammes commencèrent à s’élever dans le ciel, la jolie brune s’en alla, incognito. Il n’était pas question qu’elle se fasse repérer. Après quelques minutes où sa marche fut rapide, elle ralentit l’allure, tout en passant devant le magnifique palais royal. Le Buckingham Palace. Un des plus beaux monuments de Londres. Ses bordures dorés et ses magnifiques pièces. Norah n’avait pas encore eu la chance de visiter le palais, disons que depuis son arrivée à Londres, elle n’avait pas fait grand chose à part le Mal, ce qu’elle faisait de mieux. Elle s’arrêta un moment pour observer le lieu magique et grandiose et se jura qu’un jour, cette demeure lui appartiendrait. De toute façon, la Reine ne vivrait pas indéfiniment...

Elle savait que les étrangers n’avaient pas la possibilité d’entrer dans le palais, et lorsqu’elle vit un homme sortir par une porte qu’elle n'avait encore jamais remarquée, elle crut d’abord à une hallucination. Elle cligna plusieurs fois des paupières avant de se frotter les yeux, s’assurant qu’elle n’avait pas rêvé. Elle soupira, voyant que l’homme avait disparu; et vexée de s’être ainsi emportée, elle s’éloigna très vite du Palais. Elle n’avait nulle part où aller, et la nuit commençait à tomber. Elle haussa les épaules et marcha sans aucun but. Ses pieds la guideraient où il faut. Après quelques dizaines de mètres parcourut, elle sentit une odeur de fumée désagréable lui chatouiller les narines, elle se retourna alors pour observer le lieu qu’elle avait quitté quelques minutes auparavant. L’odeur de la chair humaine brûlée était nauséabonde, et Norah espérait que le corps aurait fini de se consumer avant que les forces de l’ordre ne rappliquent .

Laissant ses talons claquer sur le bitume humide, elle porta ses lunettes de soleil sur son visage, sachant pertinemment qu’elle n’en avait pas besoin, mais qu’au cas où on la soupçonnait... Mieux valait prévenir que guérir. Elle pinça ses lèvres en guise de grimace, en pensant à la possibilité de se faire attraper. C’était impossible, ici personne ne connaissait et ne savait qui elle était. Elle n’avait aucune raison de s’inquiéter. De toute façon, de quoi pouvait-elle avoir peur ? Seulement d’elle-même, toujours d’elle-même. Après un bref moment où son cœur palpitait à vive allure, elle finit pas reprendre le rythme de sa marche pour arriver sur un pont dont elle avait entendu parler maintes fois. Le Westminster Bridge était magnifiquement éclairé par des lumières toutes aussi jolies les unes que les autres, et cette beauté donna à Norah l’envie de vomir. Après quelques minutes de marche, sous un halo de lampes, elle se décida à accélérer le pas, plus par instinct que par fatigue. Elle se sentait suivit. Elle n’avait pas tord. Ayant à peine pris conscience qu’elle était suivit, elle sentit une main se posée sur son bras et l’attirée contre un corps imposant et puissant. Elle n’osa pas lever la tête, pas encore, sachant pertinemment que son nouvel ennemi allait regretter ce geste, et qu’elle était entourée de dizaines de témoins. Ce n’était pas le moment d’attirer l’attention. L’inconnu la força de se poster devant le pont, et sans hésitation elle posa délicatement ses mains sur la rambarde. Elle regarda alors devant elle, un point éloigné et fixe. Tout en contrôlant sa respiration et ses pulsassions. Elle n’avait pas l’intention de flancher. Elle était forte, beaucoup plus forte que n’importe qui, et elle allait encore une fois prouver à un homme qu’il était faible face à elle. Avec ses lunettes de soleil, elle avait l’avantage de pouvoir contrôler ses émotions, car ses yeux pouvaient parfois lui jouer des tours. Elle soupira de soulagement, se félicitant d’avoir eu l’initiative de porter ses lunettes noires.

À aucun moment, Norah ne pensa à tourner la tête vers l’inconnu. Il n’avait aucune importance à ses yeux. Elle attendait tout simplement que celui-ci se lasse et s’en aille. Mais, il n’en avait pas l’intention non plus. C’est après un soupir, qu’elle secoua ses cheveux, signe d’ennui. Décidément ce soir n’allait pas être si excitant que ça. Le pont commençait à se vider de tous les touristes inutiles, et l’homme - car ça ne pouvait être qu’un homme - attendait toujours, patient. Elle le félicita intérieurement de faire preuve d’autant de patience, et daigna tourner la tête pour apercevoir le visage de son “agresseur” . Norah releva la tête et rencontra les yeux les plus fascinants qu'elle n'eut jamais vus. Comme hypnotisée, elle demeurait perdue, malgré elle, dans la spirale des iris de l'inconnu, dont les couleurs pulsaient au rythme du cœur de la brune. Elle se maudit aussitôt d’éprouvée cette fascination inutile envers l’homme et détourna le regard. Il fallait qu’elle agisse et vite, ou l’homme croirait qu’elle était faible, ce qu’elle n’était pas. Elle décida alors de passer son chemin, d’ignorer, c’était la meilleure chose à faire. Ce n’était pas lâche, juste intelligent. Car elle n'avait aucun intérêt à tuer cet homme... même si son visage lui disait bien quelque chose. En effet, elle était certaine d’avoir déjà croisé ses pupilles un jour... Cette crinière ne lui était pas inconnue.. ses cheveux ébouriffés... STOP ! Norah, d’un pas lent, s’éloigna de l’inconnu, avec un sourire mutin. Elle était certaine qu’il s’était attendu à tout, sauf à ça. Il voulait du nouveau ? Il allait en avoir. Car Norah était tout, sauf banale.

Si un destin est inévitable, pourquoi chercher à l'éviter? Est-ce que nous naissons avec une destinée toute tracée et irrévocable, ou au contraire, sommes-nous maîtres de celle-ci, lui imposant notre seule et unique volonté? Quoi qu'il en soit, il est certain d'une chose : Seul le destin bat les cartes, et c'est à nous de jouer avec. Quelque soit le jeu que nous possédons. Et lorsque la partie a commencé, plus rien ne peut la stopper. Il faut la jouer jusqu'au bout... Si Norah se trouvait à ce moment même au côté d’un homme certes charmant, mais assez culotté pour oser la toucher ainsi. Néanmoins, la brune ne pouvait pas dire que la présence et le contact du brun ne lui faisait pas plaisir... Pourtant, elle s’était écartée de lui. Tout simplement pour lui montrer qui était le maître. Car, Norah était tout sauf quelqu’un que l’on pouvait dompter. Et même si par prudence, elle s’éloignait de l’étranger, elle n’hésitait pas à remuer ses hanches, histoire de le faire désirer. Elle savait que rien ne pouvait lui résister, surtout pas un homme. Avec un sourire mutin, elle fit claquer ses talons sur le sol, tout en dansant gracieusement, vers un autre endroit.

La brune était loin d’être idiote et elle était certaine que ce jeune homme chercherait à la suivre, la coincer et la bloquer. Mais d’un côté, elle n’attendait que ça, qu’il la coince. Pour mieux lui faire regretter sa curiosité. Elle s'empêcha d’éclater de rire, sachant que la plupart des touristes la prendraient pour une folle,e t décida de changer de trottoir, tout en quittant le célèbre pont. Elle jeta un bref coup d’œil en arrière, et étrangement la présence de son voyeur la rassura. Elle pesta, et décida d’accélérer le pas. Ça allait beaucoup trop lentement pour elle. Ce geste ferait croire au bel apollon qu’elle était anxieuse et effrayée... ce qu’elle n’était pas. C’était tellement facile de manipuler ses semblables. C’était un jeu, un jeu très agréable.

Tout en souriant, Norah passa devant un clochard, d’une cinquantaine d’années. Elle l’observa un moment, sans s’arrêter, et elle remarqua qu’il tenait dans ses mains un bambin. Un tout petit être innocent qui allait bientôt mourir de faim, ou de soif. Norah, en bonne citoyenne, aurait du aider l’homme. Mais, elle était tout sauf altruiste et elle ne chercha même pas à regarder les pauvres gens avec pitié. En fait, ce n’était pas qu’elle ne voulait pas les aider, c’était juste qu’elle ne voulait pas s’autoriser un semblant de gentillesse envers les autres. La jeune humaine était tout sauf gentille, il fallait qu’ils se mettent ça dans le crâne, tous ! Elle allait de plus en plus vite, et alors qu’elle hésitait entre tourner et aller tout droit, son instinct lui intima de tourner. C’est ce qu’elle fit. Pour se retrouver dans une impasse. La jeune femme jura intérieurement, et ne se retourna pas tout de suite, sachant pertinemment que l’inconnu était tout près. Elle pouvait sentir son parfum d’homme, même de loin. Une fragrance exquise s’échappait de son corps et venait chatouiller les narines de la brune. Elle essaya de retrouver son sérieux, et lorsqu’elle se retourna, une expression de profond ennui s’inscrivit sur son visage. Pendant ce temps, le brun avançait vers elle, comme un félin, comme un chasseur avançant vers sa proie. Cette comparaison fit sourire Norah, qui n’avait aucune envie d’être la proie. Elle ne l’avait jamais été d’ailleurs ! L’humaine avait toujours été la dominante, lors de ses précédents affrontements. Elle gagnait chaque combat avec facilité, grâce à ses dons de guerrière. En effet, elle excellait dans les arts martiaux, et avait longtemps pratiqué l’escrime. Repensé à ses anciennes activités n’étaient peut-être pas le moment, car elle vit très vite que l’inconnu était maintenant tout près d’elle. Elle pouvait sentir son souffle rauque et chaud sur son visage, soufflant comme une légère brise. Elle pouvait observer ses yeux avec passion. Le sang de la jeune fille ne fit qu’un tour et sa respiration se saccada instantanément. Elle n’avait aucune idée de ce qu’il avait l’intention de faire, mais elle essayait de montrer qu’elle n’était pas déstabilisée. Elle le laissa alors replacer une mèche de ses cheveux derrière son oreille à l’aide de sa main habile. Il en profita pour effleurer sa joue, et elle retint quelques frissons. Il plongea alors ses mains vers le visage de la belle et enleva délicatement les lunettes noires de la demoiselle. Elle soupira, mais soutint tout de même le regard de l’inconnu. Avec difficulté, Norah avala sa salive, essayant de ne pas se perdre entre les couleurs et les nuances profondément abyssal des yeux de son antagoniste. Elle remarqua aussitôt que la couleur de ses pupilles ne laissaient pas indifférent l’homme et elle en était plutôt fière. Mais, sans prévenir, il se mit à ricaner, puis à éclater de rire. Il était fou, complètement fou... Et Norah ne ferait qu’une bouchée de lui . Elle pensait à le rejeter, puis elle eut une bien meilleure idée. Il attendit juste qu’il daigne prendre les devants. Il serait alors surpris de ce que Norah lui enverrait en retour.

Il commença alors à poser ses mains sur ses hanches. Elle ne le repoussa pas, se laissant faire avec joie. Elle sentait que ce soir serait sa soirée. Qu’au lieu d’une seule victime, elle en aurait plusieurs. Quelle festin ! Elle aussi, elle eut envie de rire, de jouer, de se moquer... mais elle restait impassible, sérieuse et neutre. Enfin, l’étranger lui ordonna avec un simple geste de reculer. Elle obéit, et alla s’écraser délicatement contre le mur. Alors, l’homme se colla à elle, jouant avec son corps. Elle sentait sa musculature contre elle. Elle sentait son odeur près d’elle. Et elle eut une envie soudaine de se blottir dans ses bras. Bien évidemment, elle ne fit rien. Elle attendit juste. Puis, l’étranger s’approcha un peu plus d’elle, de son visage, pour venir se coller contre son oreille. Elle en profita pour se nicher dans son cou et humer l’odeur de son agresseur. Décidément, sa victime sentait indéniablement bon ! Enfin, il parla, de sa voix suave et mélodieuse.

- Ma beauté, ma succulente beauté. Ne me résiste pas, je t'en prie. Et si tu le fais, sache alors d'avance que tu ne m'échapperas pas de si tôt.

Fronçant les sourcils, l’humaine fut amusée par la phrase qu'avait doucement murmuré le jeune homme contre son oreille, son souffle chaud se répercutant encore dans ses tympans. Ainsi donc, il pensait avoir Norah dans ses filets... comme ça ? Sans rien faire ? Quel idiot ! Norah était précieuse, elle valait de l’or. Il fallait la mériter, pour l’avoir. Et encore, elle n’appartenait à personne et n’appartiendrait jamais à un homme. Elle était libre et libertine. Il n’avait pas encore reculer, si bien qu’elle avait une vue imprenable sur son cou, sur sa nuque. Elle n’hésita pas, et déposa un baiser de tendresse sur la peau de l’homme. Elle le sentit frémir sous le contact et en fut amusée. Elle continua à le couvrir de petits baisers, intenses et intimes... puis, elle le mordit. Elle planta ses canines à l’intérieur de sa chair, et appuya de toutes ses forces. Elle essaya de trancher la peau, de percer sa chair. L’homme s’écarta aussitôt. Il se frotta la nuque et Norah remarqua qu’elle avait laissée une énorme trace rouge, ainsi que quelques gouttes de sang, sur le cou de l’étranger. Elle en fut satisfaite. Avant que l’homme ne réagisse, elle s’avança vers lui en accélérant et le frappa d’une main ferme le brun. Elle lui offrit une magnifique droite dont il se souviendrait longtemps. Après cela, elle lui tourna autour, le assenant de coups de pieds, de mains, de jambes... Malheureusement, l’homme commença à prendre le rythme et arrêta de plus en plus souvent ses attaques. Il était rapide, presque autant qu’elle. Elle devait trouver autre chose pour affaiblir son nouvel ennemi. Car il était inconcevable que cet homme soit un ami. Norah se mit à courir vers le mur de pierre et laissa une de ses jambes heurter le béton afin de prendre de l'élan. Soutenu par le poids du mur, elle laissa son autre pied faire un tour complet et celui-ci cogna violemment le visage du brun. Il tomba à la renverse et elle se frotta les mains avec satisfaction. Elle avait réussi à l’achever, ou tout du moins, à l’impressionner.

Tandis qu’il soufflait, elle s’approcha de lui, et lui murmura à l’oreille, le titillant:

-Navrée de m’être énervée, mais sache que tu ne m’auras pas aussi facilement. Ce sera comme je l’aurais décidé. Ne crois pas que tu es le maître de la situation. Tu as vu, tu ne contrôles rien. Alors, ne cherche pas à me rattraper, ou je t’assure que tu vas mourir, et ce serait regrettable, n’est-ce pas, qu’un bel homme comme toi meurt aussi jeune...

Elle souriait tout en lui murmurant ces paroles. Elle était affreuse, horrible, machiavélique, et encore une fois, elle avait prouvé de sa puissance. Elle était beaucoup plus douée que n’importe quel catcheur. Elle avait été éduquée pour ça. Pour être la meilleure. À présent, elle regardait avec pitié le jeune homme. Il avait quelques traces de sang sur son maillot, ainsi que sur son visage. Pendant un instant, elle eut envie de lécher cette succulente mixture rougeâtre, mais se retint, sachant que ce serait jouer avec le feu. Puis, une dernière fois, elle croisa le regard du brun. Elle fut aussitôt happée par les iris glaçantes et brûlantes à la fois de l’étranger. Elle se sentit tressaillir, sous ce contact. Elle ne put alors s’empêcher de regarder les lèvres de l’homme, pulpeuses. Et secoua la tête, tentant de remettre ses idées en place. Il ne fallait pas défaillir, surtout pas. Alors, elle se releva et sans un mot, laissa l’homme dans la ruelle. Elle s’en alla, ne laissant aucun indice de sa précédente présence. Mais, avant de disparaître dans le brouillard de la nuit, elle se retourna et regarda son ennemi, puis lui chantonna:

-Mon nom est Norah Jones. J’ai été heureuse de te rencontrer, pauvre idiot.

Puis, elle devint invisible. Elle s’éloigna, pour aller vagabonder ailleurs. Pendant un moment, elle hésita entre aller dans une boîte de nuit, ou rentrer chez elle. Puis, elle préféra aller s’amuser, et prit le chemin du célèbre bar dans lequel elle était devenue une fidèle cliente. Alors, l’image de l’inconnu revint à son esprit. Elle l’avait trouvé si... charmant, arrogant, joueur, et différent à la fois. En fait, ils se ressemblaient étrangement sauf que Norah était tout sauf humaine, face à un être comme l’homme. La preuve, elle avait voulut jouer à la vampire avec lui... C’est avec cette pensée, qu’elle avança dans le crépuscule, cherchant un nouveau but, pour cette fin de nuit.